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Photo du rédacteurLARTAVOUS

Gardons le lien, J45

Epilogue du conte de Renée "Le Chêne"


LE CHÊNE

Epilogue


Plus le temps d’en dire davantage, une rumeur sourde parvient à leurs oreilles. Une foule se dessine au bas de la rue ; ils approchent, on les distingue enfin ! Tous suivent le mouvement, certains sans trop savoir pourquoi, entraînés, emportés par des bras vigoureux. Mais sûr, tous ont vu, tous ont entendu. − Ma parole, dit le père Ernest, tout le village est là !

Et que voit-il ? L’Albertine sa voisine, qui mène le cortège, brassant l’air, gesticulant ; de sa voix tonitruante, elle a su rameuter tout le village. Horde humaine, moitié riante, moitié criante, rires et pleurs mêlés. Ils s’approchent de plus en plus. Le père Ernest cligne des yeux pour mieux voir. Tiens le père Jules, son chapeau melon comme de coutume, aplati sur son crâne. Le couple Fougère et leur ribambelle et même mademoiselle Jeanne son cartable sous le bras. Ils sont tous là. L'Albertine en voyant le père Ernest en grande conversation avec le jeune Timothée renommé comme étant le plus timide de sa classe, alors qu’elle le croyait parti dans son maigre jardin voir si les pissenlits avaient poussé, et bien l’Albertine s’arrête net. Elle reste bouche ouverte de stupeur en voyant le père Ernest lui sourire !

Son voisin lui sourire ? ça n’est jamais arrivé ! Un grand silence plane tout à coup , en croire qu’après ce choc, l'Albertine ne sait plus quoi dire.


Mais la foule s’impatiente. Tout le monde veut aller voir. On veut entrer dans la forêt ! Enlever le panneau « ZONE INTERDITE » On veut aller voir le grand chêne. On veut cueillir le muguet et la jacinthe et... se rouler dans la mousse, crient les pubères en crise d’émotions.....et tout, et tout...

STOP Le père Ernest bras levés comme le V de notre grand Charles, fait retentir sa voix que l’on découvre seulement aujourd’hui, là, à l’entrée de cette forêt maudite qui enfin nous invite à aller vers elle. De cette voix grave, le père Ernest s’adresse à ses compatriotes : − Mes amies et amis, le grand jour est arrivé, ce jour que j’attendais, que vous attendiez dans l’ombre. 311 ans maintenant depuis ce 30 mars 2020 où la mort régnait dans le monde entier, la mort épargnant quelques êtres humains dont nous sommes les descendants, nous, à la Feuilleraie et à qui nous devons sa condescendance pour retrouver aujourd’hui ce renouveau, oui, mes amis nous venons de renaître tous. Refaisons ensemble un monde nouveau, plein d’amour... Jurons ici, tous ensemble que c’est ce que nous ferons ! Engageons nous tous ensemble à aimer notre chêne qui nous observe en ce moment Fini les déchets que nous lui avons entassés jusqu’à en faire pourrir son tronc. Et moi, Ernest le taciturne, le bourru comme vous dites, je vous promets avec toute mon amabilité refoulée, de vous raconter l’histoire de cet horrible virus de l’AN 2020.


Quel discours ! Tout le monde applaudit le père Ernest qui se laisserait presque embrasser ; le verbe embrasser était inconnu à la Feuilleraie comme dans le monde entier, enfin on suppose ! Mademoiselle Jeanne, tant elle était heureuse, fut la première à embrasser la vingtaine de ses élèves en leur faisant promettre d’appliquer dès à présent et plus tard encore, les recommandations du père Ernest. Rendez-vous à la salle des Fêtes ; la foule repart d’un bloc plus vite que jamais.

Le mousseux de la « Vallée des fraisiers disparus » coula à flot, emplissant les coupes qui ne cessaient de se vider, le « avec modération  » fut banni exceptionnellement ce jour là à la Feuilleraie.





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